On connaît la chanson ! Quantification des paroles de tubes

Quels sont les mots les plus utilisés des titres des tubes depuis un siècle ?

Quels mots reviennent le plus dans les titres du top 100 des tubes, décennie par décennie ?

David Taylor, un Canadien passionné de beaucoup de choses dont la musique et les données, s’est posé un jour la question en regardant son iPod, comme il l’explique sur son blog :

« L’idée de ce post m’est venue parce que j’avais la flemme de mettre mon iPod en shuffle : la playlist a alors joué à la suite une série de chansons des années 1930 et 1940, qui commençaient toutes par le mot “In” [dans] : (“In the Wee Small Hours of the Morning”, “In the Still of the Night”). Comme je suis un obsédé des data, ma première idée a été immédiatement de quantifier le phénomène. »

A partir des données de Billboard (le top 100 américain) collectées sur un autre blog de passionné, il a créé la visualisation ci-dessous, qui liste les mots les plus fréquents dans les tubes du top 100 décennie par décennie depuis 1890.

Il nous a aimablement permis de la reproduire :

Les mots les plus utilisés dans les titres des tubes par décennie (David Taylor)

Pour les passionnés, les curieux et les puristes, David Taylor explique en détail sa méthode ici.

L’évolution des désirs au XXe siècle

Les « data-viz » réussies nous font toucher du doigt la poésie cachée dans les grands nombres et les phénomènes de masse.

Et comme phénomène de masse, on fait difficilement mieux que les tubes, ces airs qui accrochent tellement à une époque – ses mots, son système de production, ses corps, ses rythmes – qu’elle se les passe en boucle et en fait la bande-son de sa vie. Pour le dire autrement, selon la belle formule du philosophe Peter Szendy, les tubes sont des airs qui « articulent la psyché et le marché ».

Capture d’écran du film « Jersey Boys » (2014) de Clint Eastwood (Warner Bros.)

On peut donc penser que les listes lapidaires de ce tableau offrent un aperçu, même sommaire, sur ce qui a occupé les rêves de chaque décennie.

Dans les années 1910, les titres populaires évoquent les « bijoux », « les loques », la « maison », la « terre » et les anciens.

« Gems from Naughty Marietta », Victor Light Opera Company (1912)

Dans les années 40, on chante la « polka », la « sérénade », le « boogie », le « bleu » et « Noël » mais trente ans plus tard, la révolution sexuelle est passée par là et les tubes des années 70 parlent de « femme », de « rock », de « disco », bref de « musique » et de « danser ».

Les hédonistes années 1980 parlent d’« amour », de « feu », de « rock » et de trucs que les gens doivent faire ou non (« don’t ») – comme dans « Don’t You Forget About Me », où les Simple Minds interdisent à une fille de les oublier (alors même qu’ils portent des vestes à épaulette).

« Don’t You (Forget About Me) », Simple Minds (1985)

Et les années 2010 ?

« Fuck », « Hell », « Yeah », « We Die » (soit en une phrase « putain d’enfer, grave, on meurt »).

On vit peut-être une époque plus punk qu’il n’y paraît.

« Fuck You », Cee Lo Green (2011)